L'Aventure Bénétullière :

Antoine BENETULLIERE
Antoine BENETULLIERE

               


 Originaire de Propières (Rhône), dans le Haut-Beaujolais,  Antoine Bénétullière a débuté sa carrière professionnelle en tant que maréchal ferrant dans un atelier à Oingt. C’est en 1941 qu’il s’installe à son compte à Vaux-en-Beaujolais, allias Clochemerle,  dans un petit atelier, à la sortie du village, en direction de Saint Cyr-Le-Chatoux. 

C’est à la demande de l’un de ses clients  qu’il conçoit et construit le premier engin motorisé équipé d’un treuil. Il s’agit alors d’une base d’automobile de l’époque sur laquelle il greffe un treuil. Malheureusement, le châssis inadapté de l’engin fait vite preuve de faiblesse et se détériore rapidement. Antoine Bénétullière décide alors de fabriquer son propre châssis sur lequel il adapte, dans un premier temps, des moteurs d’automobiles de l’époque, puis des moteurs industriels de marque CLM ou Bernard.  Pendant la guerre, les pièces nécessaires à la construction de ces engins sont rares et il est fréquent que le propriétaire qui commandait le tracteur fournisse lui-même certaines pièces nécessaires à l’élaboration du tracteur,  dont le moteur, les essieux, les roues  et même les phares. Puis, rapidement, les clients de la marque demandèrent une évolution de l’engin afin qu’il puisse aussi transporter le fumier ou bien les vendanges.  

Chez  Bénétullière, il n’y pas d’ingénieurs, ni  de dessinateurs industriels mais seulement des hommes passionnés et autodidactes ; il n’était pas rare qu’à 3H du matin, Antoine avait une idée qui lui passait par la tête et il se levait alors et partait en direction de l’atelier pour la mettre en œuvre. Ainsi naquit le Multiplex, équipé dans un premier temps d’une caisse tombereau fabriqué à Vaux-en-Beaujolais, puis ensuite d’une benne carré en bois fabriqué par les établissements Bolvy à St Etienne des Oullières avant que l’entreprise fabrique elle-même ses propres bennes métalliques. Ces machines performantes acquièrent rapidement une solide réputation auprès des viticulteurs des environs  et les cadences de construction prennent de l’ampleur. Bien vite, le petit atelier de Vaux-en Beaujolais, ne suffit plus. La porte d’accès est si petite qu’il faut construire les engins à l’intérieur, les démonter pour les sortir, puis les remonter à l’extérieur. 

C’est ainsi qu’en 1958 les ateliers Bénétullière s’implantent au Perréon, au lieu-dit « La Cochère »,  dans des locaux flambants neufs. De ces ateliers sortiront plus de 800 machines dont les caractéristiques diffèrent en fonction de l’évolution de la marque. Les premiers tracteurs sont animés de Moteur Bernard W112, Monocylindre, 4 temps de 500cm3 de cylindrée (ce sont les type 412 modèle E (essence)) et n’ont pas de capot moteur. Ensuite, il leur sera ajouté le capot  à grille ovale strié dans le sens de la hauteur qui comporte le passage de la manivelle en son centre. Certains modèles, les types 412E’’ sont équipés de moteur Briban  type 710D (monocylindre essence de 710cm3 refroidit par air) tandis que d’autres modèles, les types 412E  ’’’ sont animés de moteur CLM R.602 (diesel, monocylindre, 2 temps)

 

Puis est arrivé la version  de type 412A, équipée du moteur  Renault Ventoux de la Juvaquatre Dauphinoise qui est en fait un moteur industriel fournit par Renault constitué d’un kit « moteur + boîte »  dont la carburation a été modifiée et bridée afin d’éviter que le moteur ne prenne trop de tours.  (le moteur de la Juvaquatre « classique » était à soupapes latérales tandis que le Dauphinoise était culbuté sur le dessus). Avec l’arrivé de cette configuration est apparu un nouveau capot, légèrement pointu et strié  d'ailettes dans tout le sens de la hauteur.

Cet ensemble évoluera ensuite dans un assemblage industriel  similaire mais équipé d’un moteur  Renault qui se rapproche de celui de l’Estafette et qu’on assimilera souvent à un moteur de Renault 8, toujours couplé à une boîte de Juvaquatre. Cet ensemble était aussi utilisé dans d’autres domaines comme, par exemple, des moto-pompes de pompier.  Avec cette évolution apparaît un nouveau capot, plus carré, avec une grille centrale perforée de la forme d’un trapèze à l’envers auquel on aurait arrondi les angles. Sur ces engins, la seconde boîte est  très souvent celle d’un camion Renault dit « 1400Kg » secondée par un pont de Renault dit "1400Kg" ou bien de Citroën U23. En parallèle au moteur dit « R8 »,  les ateliers Bénétullière proposent aussi une version diesel de son Multiplex animé par un moteur Perkins.  Ces tracteurs diesel ne sont équipés que d’une seule boîte à vitesses de camion de type GMC ou U23 auquel on conserve aussi le pont. Dans les années 70, Renault arrête la production de son kit « moteur R8 + boite de Juva » et il faut  donc s’orienter vers un autre montage. Ainsi apparaissent les premiers Bénés équipés de moteur de Renault 5 couplé à une boîte de GMC.  Malheureusement, cet  assemblage s’avère vite limité du au fait que la boîte n’est pas vraiment adaptée au moteur. La boîte siffle, l’ensemble est très bruyant et peu efficace. Seule une vingtaine de Bénés bénéficieront de cette configuration. Puis sort le modèle équipé du  moteur de la Renault 5 mais, cette fois-ci, accouplé à sa boite d’origine quelque peu modifiée, qui permet d’avoir un renvoi d’angle, auquel on accouple un réducteur Marmon (camion de l’armée française)  à l’arrière, ce qui permet de dédoubler le nombre de vitesses (lente et rapide) et de disposer d’une prise de force. La machine est alors équipée de 8 vitesses avant et arrière et d’un treuil sur 4 vitesses. Compte tenu du résultat peu satisfaisant de cette configuration l’entreprise décide alors de créer sa propre boîte à vitesses, qui sera mieux étagée. Le carter est fabriqué à l’atelier en mécano-soudure tandis que les pignons sont achetés chez un fournisseur puis intégrés dans la boîte maison. Durant toute cette phase d’arrêt de production de Bénés équipés de moteur dit « R8 » la production de Bénés  diesel munie de moteur Perkins s’arrête, elle aussi.

C’est avec l’abandon du moteur Renault au profit du moteur Peugeot  qu’est né un nouveau Multiplex caractérisé par une nouvelle cabine dite « polyester » puisque son plafond et ses portes sont dorénavant en polyester. Il s’agit du type 2RMD-A, pour les tracteurs 2 roues motrices, et du type 2RMD-B, pour les 4 roues motrices. Ces nouveaux engins sont animés de moteurs de 204 ou 304 (essence ou diesel) et de moteurs de 305 diesel Type II. Il s’agit aussi d’une série de moteurs industriels dont le régime moteur est bridé en usine à 3300 tours. Ces machines sont munies d’une boîte Relais fabrication maison et d’un pont de SAVIEM SG4 à l'arrière ainsi que d'un pont Renault SYMPAR à l'avant.

 

A la même époque, à la fin des années 60, sont aussi produit une vingtaine d’enjambeurs  équipés d’un moteur de Renault 6 dont les caractéristiques techniques permettent l’adaptation de la pompe de sulfatage Berthoud. Il s’agit du modèle type 3 RM. Par la suite, sous l’impulsion de Maurice Bénétuliière, ces enjambeurs vont évoluer pour se positionner comme  le nec plus ultra en terme d’enjambeur du Beaujolais avec un système de correction de dévers hydraulique révolutionnaire pour l’époque. Ces derniers engins sont équipés d’un moteur diesel Perkins de 85 CV et bénéficient d’un avancement hydrostatique, d’où le type 3RMHP qui les caractérise.

Dans les années fastes, de 1965 à 1968, les ateliers Bénétullière produisent jusqu’à 5 tracteurs par mois  et l’effectif compte alors jusqu’a 17 personnes. A cette époque, le carnet de commande est remplit pour les deux années à venir et la demande est telle que l''entreprise autorise même la fabrication de porteurs similaires par un ex ouvrier de l'usine, M. Philippe LARGE, qui monte sa propre affaire à Quincié. Mais dans les années 90, la crise viticole commence à se faire durement ressentir  dans le Beaujolais et les investissements des viticulteurs ne cessent  alors de s’estomper. Ainsi, le tout dernier engin sort des ateliers en 1998, il s’agit d’un modèle 2RMD-B,  qui comporte le numéro 825 et qui sera livré à une exploitation viticole de Fleurie (69).

S’il ne se fabrique plus de Bénés aujourd’hui , il n'en reste pas moins qu'on  rencontre encore de nombreux Bénés qui sillonnent les routes du Beaujolais et même de très anciens modèles. Ces engins sont si pratiques et si fiables que tout possesseur de Béné hésite beaucoup avant de s’en séparer, au grand damne des collectionneurs de tracteurs qui n’arrivent que difficilement à se procurer ce type de machine.

Enfin, je tiens à remercier M. Maurice BENETULLIERE qui m'a  chaleureusement accueilli à son domicile afin de me faire partager toute sa passion pour les Bénés et qui m'a fourni une multitude d'informations pertinentes que vous trouvez sur ce site.

 

                                                                                                                                             Bernard VOUTE